Lors de notre reportage, nous sommes allés à la rencontre d’acteurs locaux qui se mobilisent pour les droits des femmes et les personnes en migration. Rencontre avec les associations éthiopiennes Setaweet et Entoto ainsi qu’avec l’ONG italienne CIFA.

Setaweet, la voix féministe éthiopienne

Dans les locaux de l’association éthiopienne, une équipe de jeunes s’affaire dans des bureaux partagés. Quatre femmes et un homme travaillent sur des projets visant à sensibiliser les Éthiopiens à l’égalité des sexes. Alexander Yohannes, chef du projet What she ware exhibition (une exposition des tenues portées par les femmes violées ou abusées sexuellement afin de lutter contre les stéréotypes), et Kamlaknesh Yasin, community manager de l’association, ont répondu aux questions de TVB.

Setaweet a vu le jour en 2014 sous le format de groupes de discussions féministes qui se regroupaient les deuxièmes mardis du mois. Progressivement, les paroles sont devenues des actes et l’association mène aujourd’hui des projets et stages de sensibilisation aux droits des femmes et contre les stéréotypes de genre.

Plus de 2 000 élèves touchés par des stages de sensibilisation

Depuis 2 ans, l’association propose un stage d’une journée dans les écoles publiques mais aussi privées et religieuses. Alexander consulte sa collègue responsable du projet et nous affirme que plus de 2 000 élèves de 6 écoles partenaires ont assisté à leur stage de sensibilisation. Financées par le ministère de l’éducation et réalisées à la demande des professeurs, ces journées visent à expliquer le contexte des droits des femmes, ceux qui ne sont pas respectés et ce que l’on peut changer. Le succès est tel que l’association pense se développer dans d’autres villes du pays et quitter la capitale pour aller aussi dans les écoles de Gondar (nord-est du pays) et de Dire Dawa (est du pays), notamment.

Kamlaknesh Yasin, community manager de l’association, précise tout de même : « Il est difficile pour nous de parler d’égalité des sexes, certains pensent que parce qu’on en parle on pousse les jeunes à avoir des rapports sexuels alors qu’on fait de l’éducation justement pour que ce ne soit pas fait n’importe comment. Nous devons contextualiser nos actions et définir les choses, comme la notion de féminisme même, qui donne lieu à de nombreuses interprétations erronées. »

Une découverte pour les jeunes garçons

La jeune femme poursuit en expliquant que lors des stages, ce qui revient le plus régulièrement c’est la surprise des jeunes garçons. Autant la plupart des jeunes filles ont conscience des difficultés qu’elles rencontrent ou rencontreront, autant les garçons découvrent les injustices et difficultés rencontrées par les jeunes filles, et c’est là, selon elle, leur impact le plus palpable.

Pour Alexander, il est important qu’en tant qu’homme il s’engage pour la cause des femmes et plus largement pour l’égalité qui finalement touche tout le monde. Il a d’ailleurs organisé avec l’ambassade de Suède en Éthiopie un concours photo de pères s’occupant de leurs enfants à la fois en Éthiopie et en Suède. L’égalité femmes-hommes n’est donc pas qu’une affaire de femmes.

CIFA, l’ONG qui sensibilise aux dangers de la migration irrégulière

L’ONG italienne CIFA est fondée en 1980 à Turin pour aider les enfants en difficulté et faire valoir leurs droits, en accord avec la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989. Elle se développe dans plusieurs pays, dont l’Éthiopie il y a une dizaine d’années. CIFA met en place des actions de co- opération internationale, de développement et sensibilisation à la citoyenneté internationale, et d’adoption internationale. L’antenne éthiopienne se charge désormais uniquement de projets de développement et de sensibilisation. Nous avons rencontré Nadia Rossetto, la coordinatrice de CIFA Éthiopie.

La jeune femme nous reçoit avec un café éthiopien traditionnel bien noir et savoureux. Passionnée, elle nous parle des différents projets en cours. Le premier, Girls at school, vise à favoriser l’accès des jeunes filles à l’école dans le woreda (district) rural d’Ambassel, dans la région Amhara. En collaboration avec IFSO, une ONG éthiopienne, et les autorités locales, une école a été rénovée et du matériel scolaire distribué aux enfants les plus démunis (une centaine de bénéficiaires). Une auberge a également été construite pour héberger 30 jeunes filles et leur permettre de continuer leur scolarité après l’école élémentaire, stade où s’arrêtent la plupart des jeunes filles pour travailler au foyer ou aux champs. Elles poursuivent désormais leurs études à l’université et l’ONG prend en charge leurs frais de scolarisation et de vie loin du foyer familial.

Renforcer les opportunités locales pour éviter les migrations irrégulières

Nadia évoque ensuite le projet Myroots, fondé par l’Agence italienne pour le développement et la coopération, et auquel CIFA participe dans la région de Dessie, en zone rurale amhara, à quelque 500 km à l’ouest de Djibouti. L’objectif de ce programme est de lutter contre les causes de migration irrégulière, spécialement pour les femmes, en créant des opportunités qui leur permettent de ne pas percevoir le départ comme l’unique possibilité d’épanouissement. Pour cela, l’ONG s’organise autour de différents axes : le développement socio-économique de la zone (notamment en octroyant des micro-crédits et des formations professionnalisantes pour permettre de monter un projet, essentiellement des petits commerces locaux), la prévention en matière de santé et la mise en place d’activités inspirantes (avec des sensibilisations dans les écoles et des événements artistiques), le renforcement de la connaissance de la loi (lors de stages avec les autorités locales pour connaître les alternatives à la migration irrégulière, notamment avec l’OIM).

Ces actions se destinent aussi bien aux personnes qui souhaitent partir qu’à ceux qui sont de retour. Pour la jeune femme, il y a une réelle méconnaissance des dangers de la migration irrégulière. « Les jeunes éthiopiennes migrent vers l’Arabie saoudite en espérant améliorer leurs conditions économiques. Elles partent par Djibouti, passent par le Yémen, en guerre, et arrivent parfois en Arabie saoudite où elle deviennent souvent des esclaves et n’ont aucun droit, en tant que femme irrégulière sur le territoire, ou sont expulsées du pays. », explique Nadia. Selon l’OIM, 55 000 éthiopiens auraient migré vers l’Arabie saoudite en 2018, et environ un demi-million se trouvait déjà en Arabie saoudite en 2017 lorsque Ryad a lancé une campagne contre l’immigration clandestine. En deux ans, 260 000 éthiopiens auraient été expulsés et renvoyés par milliers chaque mois en éthiopie. Nombre d’entre eux reviennent traumatisés et honteux, incapables de retourner dans leur famille et aucune structure n’est actuellement en mesure d’accueillir et d’aider autant de personnes d’un coup. Pour éviter qu’elles ne soient abandonnées, démunies en pleine rue ou qu’elles repartent par l’ouest et la Libye en visant l’Europe, l’ONG essaie de créer des opportunités valorisantes, en éthiopie, et de sensibiliser aux dangers de la migration irrégulière. Un jeu de l’oie a été créé pour « expliquer à quel point le parcours migratoire irrégulier peut être dangereux et violent », nous dit Nadia. MyRoots aurait déjà aidé 5 000 personnes, essentiellement des femmes, des jeunes et des migrants de retour, et touché indirectement 300 000 personnes.

L’Union européenne finance également le projet Stemming Irregular Migration in Northern and Central Ethiopia (SINCE), un consortium d’ONG internationales et locales qui mettent en œuvre des stages et des formations garantissant un emploi (secteurs textile, métallurgie ou construc­tion) dans les services publics. 1 500 personnes, essentiellement des jeunes et des femmes, ont été accompagnées en 2 ans et ont trouvé un emploi dans le secteur public ou privé. Le but annoncé est encore de limiter les migrations irrégulières en améliorant les conditions de vie sur place, un questionnement de chaque jour.

Un projet pilote de construction d’un centre de soutien psycho-social, accueillant essentiellement les femmes victimes de violences et de traumatismes à leur retour de migration, a également été lancé par l’ONG. Il propose soutien et formations professionnelles. Le nom de centre est préféré à celui d’hôpital afin de lutter contre les stéréotypes liés aux souffrances psychiques.

Entoto Beth Artisan, l’emploi créatif

Entoto Beth Artisan est une entreprise sociale éthiopienne fondée en 2012 et certifiée commerce équitable par la World fair trade organization (WFTO) depuis 2016. Elle permet aux femmes éthiopiennes atteintes par le VIH de retrouver un emploi correctement rémunéré, pour subvenir à leurs besoins, à travers des formations à l’artisanat. Plus d’une centaine de femmes travaillent aujourd’hui dans l’entreprise et créent des bijoux, vêtements, sacs, etc. L’entreprise est en pleine expansion et prévoit d’employer 250 femmes dont un tiers de séropositives pour augmenter sa production et ses ventes dans différentes galeries de la ville.

Laurianne Ploix

English summary

Setaweet is an Ethiopian association that raises awareness about gender equality and women’s rights in schools, developing different programmes to fight against gender stereotypes.

CIFA is an Italian NGO that helps Ethiopians create their own businesses in rural areas to encourage people to stop seeing irregular migration as the only way towards empowerment. The NGO raises awareness about the dangers people face on an irregular migration route. They develop also programmes to help girls gain access to secondary education.

 

Përmbledhje në shqip

Setaweet është një shoqatë etiopiane që rrit ndërgjegjësimin për barazinë gjinore dhe të drejtat e grave në shkolla, duke zhvilluar programe të ndryshme për të luftuar kundër stereotipeve gjinore. CIFA është një OJQ italiane që ndihmon Etiopianët të krijojnë bizneset e tyre në zonat rurale për të inkurajuar njerëzit të ndalojnë të shohin migracionin e parregullt si e vetmja mënyrë drejt fuqizimit. OJQ ngre vetëdijen për rreziqet me të cilat përballen njerëzit në një rrugë të parregullt migracioni. Ata zhvillojnë gjithashtu programe për të ndihmuar vajzat të fitojnë arsimin e mesëm.

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